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Les nouvelles technologies révolutionnent les soins de santé. Mais avant que ces avancées n’atteignent les bénéficiaires, les entrepreneurs sont souvent pris dans un cycle sans fin de blocages qui empêchent leurs inventions d’être commercialisées.

Plus de 250 acteurs du secteur de la santé, dont des chercheurs, des investisseurs, des entrepreneurs et des centres nationaux et régionaux de technologie de la santé, ont participé aux deux jours de la European Digital Healthtech Hub Conference, organisée par Luxinnovation, le centre de santé allemand Medical Valley et l’EIT Health. Cet événement a permis de discuter des solutions possibles pour soutenir la mise sur le marché de dispositifs médicaux digitaux et faire en sorte que ces innovations profitent aux citoyens et renforcent l’ensemble du système européen de soins de santé.

«Ces dernières années, nous avons travaillé sur des projets-phares ici au Luxembourg pour stimuler le secteur de la santé», a expliqué le ministre de l’Économie Franz Fayot. Parmi ces initiatives, citons le campus des nouvelles technologies de la santé HE:AL; le Luxembourg Future Fund II, qui cible en partie le secteur de la santé; les appels à projets conjoints dans le domaine des technologies de la santé et bien d’autres initiatives. Toutes sont renforcées par le supercalculateur Meluxina qui peut faire progresser le développement de nouvelles solutions de santé digitales.

Dispositifs médicaux digitaux: vers une approche harmonisée

Cependant, pour réussir le lancement d’un dispositif médical digital en Europe, des méthodes de remboursement non définies dans les États membres entravent souvent l’accès au marché, même après l’obtention de la certification européenne CE du dispositif médical. «Une certification CE ne définit pas le marché et n’explique pas qui supporte les coûts», a expliqué le professeur Jochen Klucken. Les entreprises doivent encore se conformer aux lois nationales concernant la classification, le remboursement et la prescription des dispositifs médicaux digitaux.

«L’Allemagne, la Belgique et la France ont ouvert la voie avec de nouvelles procédures qui facilitent ces aspects, mais les autres États membres doivent travailler ensemble pour harmoniser les normes pour les différentes catégories de dispositifs médicaux digitauxs», a indiqué le Pr Klucken.

Un nouveau groupe de travail européen a été créé en avril 2022 pour catégoriser les dispositifs et aligner les processus d’évaluation des technologies de la santé utilisés au niveau de l’UE. «Si nous ne parvenons pas à mettre en place un cadre harmonisé, chaque État membre commencera à développer ses propres processus, ce qui nous ramènera au moins 10 ans en arrière pour créer un tel marché harmonisé», prévient Marcus Guardian, directeur des opérations chez EUnetHTA.

Louisa Stüwe, de la délégation ministérielle eHealth du ministère français de la Santé, a présenté la nouvelle procédure française de prise en charge anticipée (PEC-AN) qui prévoit une période de remboursement transitoire d’un an pour les fabricants de solutions de santé digitale. Avec cette nouvelle voie, la France rattrape les deux premiers pays européens, l’Allemagne et la Belgique. La conférence a été une excellente occasion de comparer les différences entre ces programmes d’entrée sur le marché des dispositifs médicaux digitaux.

L’intégration des investisseurs privés est essentielle

En ce qui concerne le financement, Isaac Middlemann, directeur général par intérim chez EIT Health InvestHealth, a déclaré que les investisseurs privés et les parties prenantes telles que les acteurs industriels, les assureurs maladie, les réseaux hospitaliers et les associations de patients sont une «pièce manquante essentielle» du puzzle. «Les données montrent que, sans les investissements du secteur privé, les startup de dispositifs médicaux digitaux ne seront pas en mesure d’accéder au marché à l’échelle industrielle ou de fournir leurs innovations aux patients», a-t-il averti.

En 2021, plus de 15.000 demandes de brevets ont été déposées en Europe dans le domaine de la santé digitale, mais 70% des professionnels de la santé n’utilisent toujours pas de solutions digitales et seuls 15% des fonds de capital-risque sont allés à des entreprises de santé digitale basées dans l’UE.

L’EIT Health et ses partenaires ont lancé une initiative accélérée pour soutenir le remboursement des startup de la santé digitale et ont fourni environ 350.000 euros de subventions non dilutives. Plus de 3 milliards d’euros ont été levés par 79 startup grâce à un programme de co-investissement public-privé mis en place avec le Fonds européen d’investissement pour «dérisquer» les startup et les mettre en relation avec des investisseurs privés. Parmi elles figurent 11 entreprises de dispositifs médicaux digitaux.

Entreprises de santé digitale: meilleures pratiques

Les entreprises et les investisseurs ont également échangé sur les meilleures pratiques et les attentes en matière de soutien aux solutions de santé digitale. Victor Stephani, chef du personnel de HelloBetter, une startup allemande spécialisée dans les thérapies digitales et comptant plus de 40 000 patients, a expliqué comment elle est parvenue à figurer dans le répertoire allemand DiGa. Il s’agit du registre officiel de toutes les applications de santé digitale approuvées en Allemagne, qui permet aux médecins de prescrire des applications de santé digitale et autorise les remboursements aux entreprises répertoriées. Hellobetter possède six des 48 DiGas que compte l’Allemagne et, malgré un refus initial, l’entreprise a tout de même levé des fonds grâce à «une grande confiance entre les investisseurs et les startup».

Cédric Spaas, PDG d’Arspectra, une société luxembourgeoise de réalité augmentée médicale qui a récemment reçu la subvention de l’accélérateur EIC, a expliqué pour sa part que «les entreprises doivent présenter un produit innovant avec beaucoup de potentiel, une équipe formidable et un intérêt commercial», mais aussi que «les risques réglementaires sont également importants». Bien que de nombreuses candidatures infructueuses aient précédé cette étape, il a ajouté que le programme hautement compétitif «mettra le produit et le service à rude épreuve et permettra de collaborer avec des conseillers expérimentés qui apporteront leur soutien dans tous les aspects de la stratégie réglementaire et commerciale en Europe et au-delà».

«EIC a augmenté notre crédibilité auprès des investisseurs et des partenaires commerciaux, et il est complémentaire de nos prochaines étapes», a-t-il expliqué.

Instruments de financement pour les startups innovantes dans le domaine de la santé digitale

Dans quelle mesure les réglementations influencent-elles les décisions de financement? Les investisseurs présents au panel ont expliqué que si les aspects réglementaires sont un élément-clé du processus de décision, la science et la proposition de valeur sont également prioritaires.

Des attributs tels qu’une équipe solide, une science et une propriété intellectuelle fortes, une proposition de valeur solide, une vision à long terme et un sens aigu des affaires ont été mentionnés comme des éléments clés que les investisseurs recherchent. Jérôme Wittamer, associé fondateur d’Expon Capital au Luxembourg, a expliqué que l’entreprise fournissait des financements allant de 500.000 euros à 10 millions d’euros, du stade initial jusqu’à la série C.

Stefano Pozzi Mucelli, Head of European RDI Support chez Luxinnovation, a présenté les possibilités de financement de la R&D et de l’innovation dont les entreprises peuvent bénéficier, en rappelant que l’accélérateur EIC est un excellent exemple. «L’EIC soutient les entreprises et les idées depuis le tout début jusqu’au lancement sur le marché et permet la mise à l’échelle de l’innovation.»

Pour les entreprises plus matures, Nicolas Di Prata, chargé d’investissement à la Banque européenne d’investissement, a mis l’accent sur les prêts de dette à risque disponibles, d’une valeur maximale de 15 millions d’euros, pour permettre aux entreprises innovantes de passer à l’échelle supérieure. «Lorsque la validation du concept est terminée et que le développement du produit est proche de la fin, mais que l’entreprise n’a pas encore atteint le stade de la commercialisation, il s’agit d’une étape cruciale où le capital-risque est tout à fait pertinent», a-t-il déclaré.

L’Europe a créé un environnement favorable aux entreprises innovantes de dispositifs médicaux digitaux et peut faire plus pour garantir que ces innovateurs européens restent dans l’écosystème en fournissant plus de soutien et en développant les aspects réglementaires qui facilitent le lancement sur le marché. «Il s’agit d’un jeu à long terme et nous aurons besoin de capitaux pour déployer et construire des champions européens comme les SAP du monde», a expliqué M. Wittamer.

Former de nouveaux algorithmes médicaux à partir de données

Au cours de la dernière journée de la conférence, les données des patients et les procédures d’investigation clinique ont fait l’objet de nombreuses discussions. «Même si certaines normes sont en place, il peut encore être très difficile de déployer la santé digitale dans la pratique et d’anticiper l’utilisation primaire et secondaire des données dans les espaces de données européens. La compétitivité de l’Europe dans ce domaine sera probablement liée à sa capacité à utiliser les données pour la recherche et la formation de nouveaux algorithmes médicaux à partir de ces données», a déclaré Jean-Philippe Arié, Cluster Manager – HealthTech chez Luxinnovation. «Les espaces européens de données, tels que décrits dans la stratégie de données de la Commission européenne, accéléreront considérablement les transitions sociétales et médicales de manière plus intelligente, grâce à l’utilisation efficace et responsable des données», a complété Bert Verdonck, directeur général du Luxembourg National Data Exchange Services (LNDS).

La conférence a également été l’occasion pour les participants de nouer de nouvelles relations pendant les pauses, les sessions B2B et les cocktails de réseautage.

Photo credit: Sophie Margue/ Luxinnovation

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